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Twitter, Facebook : superposition d’amis et logiques opportunistes de prĂ©sence en ligne ?

10 octobre 2010

« La DĂ©mocratie Internet, Promesses et limites », c’est le titre d’un essai du sociologue Dominique Cardon (Orange Labs) paru en septembre 2010 au Seuil (collection La RĂ©publique des IdĂ©es). L’auteur y dresse un historique de l’Internet en s’intĂ©ressant d’abord aux pratiques des publics (pionniers, codeurs/dĂ©veloppeurs, grand public
), le(s) pouvoir(s) recouverts par le Web et les types d’organisations collectives en ligne : Quelle(s) politique(s) sur Internet ?

Dans ce cadre, une analyse consĂ©quente de l’internet aujourd’hui est posĂ©e sur le sujet de la prĂ©sence en ligne sur les rĂ©seaux sociaux : Satisfait-elle une logique opportuniste ? Comment dĂ©crypter et caractĂ©riser l’identitĂ© et les contenus dĂ©clinĂ©s sur les rĂ©seaux sociaux (Twitter, Facebook
) comme un enchevĂȘtrement de liens et de superpositions d’ « amis » :

« Des plateformes (rĂ©seaux sociaux ou mĂ©dias sociaux) se caractĂ©risent par l’importance du nombre de contacts et par des rĂ©seaux d’échange beaucoup plus divers, surprenants et distendus que ceux qui s’observent dans la vie rĂ©elle. Mais, sur ces plateformes, les participants construisent diffĂ©remment leur identitĂ©. Ils y exposent moins leur vie privĂ©e que leurs passions, leurs pratiques amateurs et leurs centres d’intĂ©rĂȘt, comme sur MySpace, FlickR, Twitter ou DailyMotion.

Pour Ă©largir leur visibilitĂ©, les utilisateurs doivent, Ă  la maniĂšre de micromĂ©dias, exposer des contenus autoproduits qui donnent une coloration particuliĂšre Ă  leur identitĂ©. De nombreux outils du web social ont Ă©tĂ© conçus pour permettre d’étendre leur conversation vers des espaces relationnels auxquels ils ne pourraient pas accĂ©der dans leur vie quotidienne. Lorsqu’ils affichent leurs goĂ»ts, commentent les Ă©crits d’un autre, notent les commentaires ou les musiques, relaient un lien vers une information, les internautes Ă©largissent leur zone de visibilitĂ© et peuvent ainsi allonger leur rĂ©seau conversationnel. Ils accĂšdent Ă  un public beaucoup plus hĂ©tĂ©rogĂšne gĂ©ographiquement, socialement et culturellement, que celui de leur environnement proche.

A la maniĂšre des poupĂ©es russes, les utilisateurs du web social composent donc le pĂ©rimĂštre de leur public par extensions successives. DiffĂ©remment selon les plateformes, ils articulent liens forts (famille, amis proches), ex-liens forts (amis et amours retrouvĂ©s sur les rĂ©seaux sociaux), liens contextuels (collĂšgues, amis du club sportif ou de la chorale), liens d’opportunitĂ© (connaissances vagues ou connaissances de connaissances) et liens virtuels (personnes rencontrĂ©es sur le net qui partagent avec eux quelque intĂ©rĂȘt commun). Bien que tous soient loin d’y cĂ©der, une pression continue s’exerce sur les utilisateurs afin qu’ils Ă©tendent leurs connexions en mĂȘlant aux « vrais » amis, des amis « intĂ©ressants », des amis « utiles », des amis « spĂ©cialisĂ©s » ou des amis « ressources ». Cette course aux amis est stimulĂ©e par le compteur qui, sur leur page Facebook ou autre, offre une nouvelle mĂ©trique de soi aux individus en quĂȘte de rĂ©putation. Les utilisateurs aiment souvent moquer ces « amis qui n’en sont pas », afin de valoriser la seule amitiĂ© vĂ©ritable et authentique de quelques Ă©lus. Il n’en reste pas moins que ces relations de voisinage, de proximitĂ©, de seconde main ou de simple connaissance jouent un rĂŽle dĂ©cisif dans de nombreux aspects de leur vie sociale (
)

La quĂȘte d’une visibilitĂ© Ă©largie sur le web social introduit une logique opportuniste, voire calculatrice, au sein de la sociabilitĂ© vĂ©cue. Mais il faut surtout y avoir un Ă©largissement et une diversification des sphĂšres d’intĂ©rĂȘt au travers desquels les individus construisent leur identitĂ©. Si les utilisateurs prĂ©fĂšrent s’exposer dans des espaces ouverts ou semi-ouverts, plutĂŽt que de fermer leur espace conversationnel dans un huit clos rĂ©confortant, c’est parce que la construction de leur identitĂ© passe par la reconnaissance de publics plus variĂ©s et plus divers qu’autrefois. L’ouverture du rĂ©seau social vers la nĂ©buleuse des inconnus partageant des intĂ©rĂȘts communs favorise une exploration curieuse du monde tout en multipliant les possibilitĂ©s de paraĂźtre singulier Ă  ses proches.

C’est pourquoi les internautes assouplissent les frontiĂšres de leur personne en faisant varier, sur une Ă©chelle allant du personnel au public, les propos qu’ils tiennent devant les autres. Sur leur blog, leur page Facebook ou leur fil Twitter, ils publient tantĂŽt des choses gĂ©nĂ©rales qui peuvent susciter l’intĂ©rĂȘt de personnes moins proches. Cette oscillation systĂ©matique entre « petite » et « grande » conversation, moqueries et commentaires politiques, sous-entendus personnels et informations d’actualitĂ© permet de mettre en scĂšne la diversitĂ© de leurs attachements. Elle fait respirer les contours de l’individu. »

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