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Internet et la culture des amateurs : un fait majeur

15 janvier 2011

Dans l’édition du Nouvel Observateur datĂ©e du 16 dĂ©cembre 2010, l’hebdomadaire a proposĂ© un dĂ©bat Ă  deux voix intitulĂ© : « Qui a peur d’Internet ? » avec Patrice Flichy (Professeur de Sociologie Ă  l’UniversitĂ© de Marne-la-VallĂ©e) et Dominique Cardon (Sociologue au laboratoire des usages d’Orange et professeur associĂ© Ă  l’EHESS).

Les deux chercheurs analysent les atouts et les dangers de l’ùre numĂ©rique mais aussi les dĂ©fis de l’agora et de l’expression sur le Web (en Ă©cho notamment de Wikileaks).
Extrait de cette entrevue avec la parole de Dominique Cardon sur la question de la rĂ©gulation d’Internet.

« Internet est nĂ© de cette idĂ©e de contourner les Etats et de s’autorĂ©guler. Mais, depuis, beaucoup de rĂ©gulations se sont mises en place. La CNIL française et les CNIL europĂ©ennes, par exemple, ont engagĂ© un rapport de force avec Google Ă  propos du temps excessif de rĂ©tention des enquĂȘtes des internautes. Google traĂźne les pieds, mais progressivement Ă©volue. Ce qui est trĂšs particulier dans ce dĂ©bat sur la rĂ©gulation, c’est que, dĂšs qu’on donne Ă  la sociĂ©tĂ© civile des pouvoirs d’expression et de coordination autonome, on a l’impression qu’entre l’Etat et le marchĂ©, il n’y a pas d’espace.

Or ce qui est en train de s’inventer – et c’est trĂšs prĂ©cisĂ©ment dans la culture des amateurs -, c’est l’idĂ©e d’un troisiĂšme modĂšle. Il y a bien une sociĂ©tĂ© civile qui s’auto-organise, qui produit des biens communs. Il y a des formes d’association dans lesquelles on n’est pas obligĂ©, pour remplir des services pour le public (WikipĂ©dia ou le logiciel libre), de passer par le marchĂ© ou l’Etat.

Cette auto-organisation est encore trĂšs fragile et imparfaite mais elle monte en puissance. La promesse de l’autorĂ©gulation d’Internet, c’est aussi qu’à la diffĂ©rence de l’espace public et des mĂ©dias traditionnels, le filtrage des informations n’est pas fait a priori mais a posteriori par les internautes. Donc internet n’est pas cette vaste poubelle dĂ©noncĂ©e. Tout y est effectivement accessible, tout et n’importe quoi, ce qui fait que n’importe quel journaliste qui voudra lancer une rumeur sans l’assumer pourra dire : « Je l’ai trouvĂ©e sur Internet » et, en la rendant publique, lui donnera du crĂ©dit. Mais ce que font les internautes et qu’essaie de faire le PageRank (systĂšme de classement) de Google, c’est prĂ©cisĂ©ment de dire : « En citant une information ou un site, je vote pour lui, et en votant pour lui je lui donne plus de visibilitĂ©. » Collectivement, les internautes produisent une crĂ©dibilitĂ© commune, parce que lorsqu’ils communiquent ils sont gĂ©nĂ©ralement trĂšs vigilants pour se critiquer mutuellement sur la vĂ©racitĂ© de l’intĂ©rĂȘt des informations.

Cette production de la visibilitĂ© par les internautes est une maniĂšre de contester l’idĂ©e que les journalistes ou les Ă©diteurs sont les seuls « gatekeepers », dĂ©cidant pour nous de la qualitĂ© de l’information et du partage entre l’officiel et le secret. Le « gate keeper », c’est le douanier, le portier, celui qui va produire l’agenda de la hiĂ©rarchie de l’information. Sur Internet, beaucoup d’informations sont accessibles, mais le travail de filtrage et de sĂ©lection est opĂ©rĂ© par les Ă©changes entre internautes. »

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