OpenAI veut devenir votre super-assistant : vers la naissance d’une SuperApp à l’américaine

- De chatbot à agent personnel autonome
- L’agent AI, cœur d’un écosystème en gestation
- Une guerre des plateformes s’annonce autour des agents IA
- De l’agent à l’écosystème : un futur en train de se coder
- L’âge des super-apps IA vient de commencer
De chatbot à agent personnel autonome
Ce n’est plus un simple assistant conversationnel. Ce n’est plus non plus seulement une vitrine du savoir-faire d’OpenAI. ChatGPT vient de franchir un cap décisif : celui de l’agent autonome capable d’agir dans le monde réel, en votre nom, avec votre autorisation. Et cette transformation propulse OpenAI sur un terrain inédit : celui des SuperApps.
Oui, c’est le retour du rêve de la Super-App occidentale, une application unique et centralisée qui combine une multitude de services — messagerie, achats, paiements, organisation, navigation — en s’appuyant sur l’intelligence artificielle pour devenir une interface universelle entre l’utilisateur et le monde numérique.
Avec le lancement de ChatGPT Agent, dévoilé en juillet 2025, OpenAI ouvre une nouvelle ère. L’agent combine plusieurs briques technologiques déjà éprouvées — la navigation visuelle via un navigateur intégré, l’exécution de code dans un terminal, l’accès à vos documents, la génération automatisée de fichiers, l’aptitude à prendre des rendez-vous, passer des appels ou même faire des achats — en une seule interface fluide, continue, coordonnée. En somme : une IA capable de lire, comprendre, décider et agir, sans vous faire changer d’outil, ni lever le petit doigt.
Lors de la démo en direct, ChatGPT Agent a organisé un mariage de A à Z, sélectionné les tenues des mariés, planifié un tour des stades de la MLB (Major League Baseball) aux États-Unis, en tenant compte en tenant compte d’un critère insolite : les soirées à thème Hello Kitty organisées dans certains de ces stades, tout en accomplissant en parallèle des tâches bureautiques complexes.
Et ce n’est pas un gadget : dans certains cas professionnels, l’Agent fait fort, notamment dans la manipulation de feuilles de calcul. Il aurait obtenu un score de 45,5 % sur ces tâches contre 20 % pour Excel Copilot, selon OpenAI. Une performance qui ne passe pas inaperçue alors que les négociations avec Microsoft sur la gouvernance d’OpenAI battent leur plein.
Mais ce qui frappe surtout, c’est la philosophie sous-jacente. L’IA n’est plus ici cantonnée à la production de texte. Elle devient interface « universelle » entre l’utilisateur et le numérique. Elle concentre des fonctions autrefois réparties entre de multiples applications ou assistants — calendrier, navigation, shopping, mail, calcul, réservation — dans un point d’accès unique, intelligent et proactif. Ce que les plateformes chinoises comme WeChat ont su faire avec succès en combinant messagerie, paiement, e-commerce et services, OpenAI est en train de le réinventer à l’américaine, en version AI-native.
L’agent AI, cœur d’un écosystème en gestation
L’enjeu dépasse largement le cadre fonctionnel. En lançant ChatGPT Agent, OpenAI n’introduit pas seulement un produit. Elle amorce la constitution d’un écosystème complet centré sur l’agent. Cet agent est appelé à devenir l’intermédiaire de toutes vos interactions numériques : un orchestrateur invisible, hyper-performant, capable de passer d’une tâche à une autre, de manière contextuelle, sans perte de sens ni de contrôle.
C’est une nouvelle étape vers ce que les analystes surnomment désormais la super-appisation de l’IA. Une transformation qui pourrait bouleverser des pans entiers de l’économie numérique actuelle : moteurs de recherche, navigateurs, logiciels métiers, apps de réservation ou d’organisation… tous pourraient devenir, à terme, des plugins secondaires dans une expérience conversationnelle centralisée.
OpenAI ne cache d’ailleurs pas ses ambitions. L’entreprise prévoit déjà d’intégrer cet agent dans une future version de son navigateur maison, baptisé Aura, et de le coupler à la prochaine génération de modèle, GPT-5. L’idée ? Offrir une parcours unifié, contextuel, proactif et multimodal, qui court-circuite l’arborescence traditionnelle des interfaces logicielles. Vous ne cliquerez plus : vous direz ce que vous voulez, et l’IA agira.
Dans ce cadre, chaque usager pourrait bientôt disposer de son propre assistant logiciel personnalisé, capable d’apprendre ses préférences, de gérer ses tâches, d’interagir avec ses outils… et de le représenter numériquement. Une telle évolution pourrait rebattre les cartes du SaaS, redéfinir l’interface utilisateur, et donner naissance à une nouvelle ère du cloud personnel assisté par IA.
Une guerre des plateformes s’annonce autour des agents IA
La montée en puissance de ChatGPT Agent ne se produit pas dans le vide. Elle s’inscrit dans un contexte de recomposition accélérée du paysage numérique mondial, où les grands acteurs de l’IA, du cloud et du logiciel se livrent une bataille silencieuse, mais stratégique, pour la supervision du point d’entrée numérique de demain.
OpenAI le sait : celui qui contrôlera l’agent « contrôlera » l’utilisateur. Et celui qui régentera l’utilisateur gouvernera la donnée, la monétisation, la confiance… et la dépendance. En ce sens, ChatGPT Agent n’est pas qu’un produit — c’est une plateforme en devenir, qui pourrait absorber des usages entiers, comme les moteurs de recherche ont un jour absorbé l’accès à l’information.
Face à lui, Google accélère le développement de ses propres agents, notamment via Gemini. Microsoft, partenaire et rival d’OpenAI, continue de diffuser ses copilotes dans toutes ses applications Office. Amazon prépare une nouvelle génération d’Alexa boostée à l’IA générative. Et côté européen, des acteurs comme Mistral, avec ses modules Devstral ou Magistral, expérimentent déjà des briques similaires, mais encore fragmentées.
Ce nouvel échiquier pose une question cruciale : l’utilisateur restera-t-il libre dans un univers dominé par des agents propriétaires qui centralisent navigation, achats, organisation et recherche ? Les garde-fous techniques évoqués par OpenAI (surveillance en temps réel, confirmation des actions critiques, mode « Watch » pour les tâches sensibles) suffiront-ils à apaiser les craintes liées aux détournements, au suivi ou à la manipulation des intentions ?
Car les risques sont bien réels. Dès sa présentation, OpenAI a reconnu que les agents pouvaient être vulnérables aux attaques par prompt injection (attaque par injection rapide), ces pièges cachés dans des sites ou documents, capables de forcer l’IA à effectuer des actions involontaires. Imaginez un lien anodin dans un mail, menant vers un site qui, à l’insu de l’utilisateur, pousse l’agent à transmettre des informations confidentielles. Le risque n’est plus purement cyber, il est systémique : c’est l’agent qui peut devenir la cible, et donc l’utilisateur, par extension.
OpenAI l’admet sans détour : ce nouveau paradigme impose une hygiène numérique, et même une forme inédite de résilience cognitive. Les utilisateurs devront apprendre à dialoguer prudemment avec leur propre assistant, à lire les réponses comme des suggestions, non comme des ordres, et à ne jamais se reposer aveuglément sur ce qu’ils ne peuvent vérifier.
De l’agent à l’écosystème : un futur en train de se coder
Derrière les questions techniques et de sécurité, se profile un enjeu plus large : l’émergence d’un nouveau modèle de logiciel. Dans un monde où tout passe par l’agent, les apps classiques deviennent obsolètes. On ne lancera plus PowerPoint, mais on demandera « Prépare une présentation pour demain sur la stratégie climat de LVMH ». Et l’agent s’exécutera. On ne cherchera plus un vol sur 5 sites, on dira « Trouve-moi le meilleur trajet pour être à Berlin jeudi matin avec un retour dimanche soir, sans escale. »
Ce futur est déjà à l’œuvre au Japon, où la startup GenSpark a créé un « Super Agent » générant 36 millions de dollars en 45 jours, notamment grâce à une fonctionnalité virale : passer des appels de démission automatisés aux employeurs. OpenAI s’en est inspiré, et en a repris l’idée à sa manière. Dans cet univers mouvant, les succès peuvent être clonés en un clic… surtout quand on détient l’infrastructure elle-même.
Dès lors, une nouvelle chaîne de valeur est en train de naître, où les gagnants seront ceux qui contrôleront l’accès à l’agent, les connecteurs qui l’alimentent, et les données qui le forment. L’Agent devient l’OS du futur. Et OpenAI, avec son écosystème d’API, son navigateur Aura en préparation, son GPT Store et l’ombre de GPT-5, pourrait bien être en train de créer le Windows du XXIe siècle, non plus centré sur des fenêtres, mais sur une voix intérieure numérique, proactive, toujours là.
Ce scénario n’est pas sans soulever des interrogations éthiques, économiques et politiques. Qui audite ces agents ? Qui décide de ce qu’ils peuvent ou non faire ? Quel droit d’entrée pour les développeurs ? Quelle place pour la régulation européenne face à un acteur qui, pour l’instant, ne déploie pas son Agent dans l’UE, mais pourrait revenir en force demain ?
L’âge des super-apps IA vient de commencer
Ce qui se joue avec ChatGPT Agent dépasse OpenAI. Il s’agit d’un changement de paradigme. Après les apps, les bots, les moteurs, vient l’ère des agents « intelligents », autonomes, intégrés. Et OpenAI vient d’en poser la première pierre à l’échelle mondiale.
Mais ce monde n’est pas encore écrit. Il reste à inventer les règles du jeu, les standards d’interopérabilité, les chartes de confiance. À défaut, le futur pourrait ne pas appartenir à ceux qui codent les agents… mais à ceux qui les possèdent.
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