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Powerpoint nous rend-t-il stupide?

16 octobre 2010

« La pensĂ©e PowerPoint » de Franck Frommer sous-titrĂ© « EnquĂȘte sur ce logiciel qui rend stupide » (Editions La DĂ©couverte) est l’un des essais au vitriol sur les technologies qui compte en cette rentrĂ©e. PowerPoint, logiciel lancĂ© en 1987 par Forethought et rachetĂ© quasiment dĂšs sa crĂ©ation par Microsoft est destinĂ© Ă  concevoir des prĂ©sentations visuelles pour soutenir des exposĂ©s oraux (et des projets, rĂ©alisations, enseignements, formations) ; un outil de communication devenu indispensable dans le monde du travail et Ă©conomique (entreprises, institutions, associations, organismes tutellaires…). PowerPoint est aujourd’hui utilisĂ© par plus de 500 millions de personnes dans le monde : plus aucun domaine d’activitĂ© n’est Ă©pargnĂ© par le dĂ©filement des « slides » et la succession des « bullet points ».

L’ouvrage de Franck Frommer « La PensĂ©e Powerpoint. EnquĂȘte sur ce logiciel qui rend stupide » danalyse ce qui fait la pensĂ©e PowerPoint et ses travers ; une approche que l’Ă©diteur retranscrit ainsi en rĂ©sumĂ© : « Avec ses listes Ă  puces, ses formules creuses et sa culture du visuel Ă  tout prix. OĂč il apparaĂźt que PowerPoint se rĂ©vĂšle une puissante machine de falsification et de manipulation du discours, transformant souvent la prise de parole en un spectacle total oĂč la raison et la rigueur n’ont plus aucune place. Plus grave, ce logiciel a fini par imposer de vĂ©ritables modĂšles de pensĂ©e issus du monde de l’informatique, de la gestion et de la communication. Des modĂšles diffusĂ©s par des consultants Ă  l’ensemble des activitĂ©s sociales, distillant une novlangue particuliĂšrement indigente qui n’a pas d’autre effet que de nous rendre… stupides. »

Le Monde Magazine du 16 octobre 2010 propose une longue interview de Franck Frommer intitulĂ© : « PowerPoint, c’est du cinĂ©ma : Un livre Ă  charge contre le logiciel » oĂč l’auteur quinquagĂ©naire, ex-journaliste, professionnel de la communication (et connaisseur du logiciel) dĂ©crypte et dĂ©cortique PowerPoint et son utilisation, de son point de vue ; extrait :

«A trouver des titres courts, des listes qui permettront de tout dire pour une seule slide, des astuces, des jeux de mots, une bonne image pour illustrer, Ă  faire attention Ă  la reproduction du logo de l’entreprise
 Bref, Ă  ĂȘtre sur la forme, en superficie davantage que sur le fond. A mobiliser un systĂšme de connaissances tout Ă  fait diffĂ©rent de celui qu’ils mobiliseraient pour rĂ©diger une note.

Il faut sĂ©duire, capter. On est dans une dynamique de vente. Paradoxalement, le prĂ©tendu support privilĂ©giĂ© de la nouvelle idĂ©ologie de la crĂ©ativitĂ© dans l’entreprise produit des formes trĂšs appauvrissantes d’organisation de la pensĂ©e. Il faut aller Ă  l’essentiel, afficher des points forts, valoriser des concepts-clĂ©s, promouvoir l’action. Evidemment, tout cela n’est censĂ© tenir lieu que de « prompteur » d’une prestation orale (
) De plus, le PPT est souvent le document de rĂ©fĂ©rence, celui qui restera.

Chaque « slide » doit avoir un titre court, comme slogan publicitaire, piochĂ© dans quelques dizaines de mots de la novlangue Ă©conomico-financiĂšre. Cela donne des libellĂ©s elliptiques, des formules passe-partout, d’une grande pauvretĂ© sĂ©mantique (« Des fondamentaux solides », « Un environnement tendu
 »). On abuse des verbes Ă  l’infinitif (« rationaliser », « dĂ©ployer » ). A forte puissance d’injonction
 Puis suivent des listes de points forts, les fameux « bullet points », sans liens de causalitĂ© entre elles. On raisonne par menu. Notre pensĂ©e est comme une liste de commandes, une arborescence de programme d’ordinateur. Sans chaĂźne signifiante. Ni pensĂ©e continue.

(
) Dans le noir, tout le monde regarde l’écran lumineux, ces slides projetĂ©es en gros qui s’imposent d’elles-mĂȘmes, interdisant toute discussion sur la vĂ©racitĂ© des informations qu’elles prĂ©sentent. L’animateur parle Ă  l’écran, sans toujours regarder son public. Il a toute autoritĂ© puisque c’est lui qui maĂźtrise l’apparition, la disparition des «slides ». »

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