Facebook ou l’ultra-moderne solitude
Luis de Miranda, philosophe, romancier et Ă©diteur questionne notre sociĂ©tĂ© ordinatrice dans son dernier essai « L’Art d’ĂȘtre libre aux temps des automates » (Editions Max Milo). Possesseur d’une page Facebook, il s’interroge sur les amitiĂ©s cliquables, lui qui est Ă l’origine du livre de Ben Mezrich (« La Revanche d’un solitaire ») dont s’inspire le film « The Social Network » de David Fincher. Luis de Miranda donne son point de vue sur le relationnel via Facebook dans le supplĂ©ment TĂ©lĂ©Obs du Nouvel Observateur (14 au 20 octobre 2010) ; extrait
« Plus le virtuel contient de pseudo-amis, moins la rĂ©alitĂ© nous en fournit dâauthentiques. Car plus je plaque une solution de consommation dĂ©jĂ toute faite, plus je mâĂ©loigne de ma propre capacitĂ© Ă crĂ©er. LâamitiĂ©, comme lâamour, implique de prendre des risques, de se mettre en danger, de se dĂ©passer. Elle se nourrit de lâaltĂ©ritĂ©. LâamitiĂ©, câest la dialectique, pas le clic !
Aujourdâhui, on est dans lâarchivage immĂ©diat : jâai rencontrĂ© quelquâun, hop, jâarchive. Ce stockage est, selon moi, lâexpression dâun fatalisme contemporain. On espĂšre toujours que le prochain clic sera celui du miracle. On compile pour mettre plus de chances de notre cĂŽtĂ©, selon notre mode de pensĂ©e actuel qui est probabiliste et statistique. En rĂ©alitĂ©, le miracle est le rĂ©sultat dâune action amoureuse entre soi et la vie. Cela sâappelle rejoindre son destin. Et ça peut arriver nâimporte oĂčâŠ
(Sur Facebook), on est en effet censĂ© mettre en avant ce qui fait notre singularitĂ©. En rĂ©alitĂ©, sur Facebook, on créé trĂšs peu de chose. On est dans un univers « all inclusive », bercĂ© par cette ritournelle : « Ne vous inquiĂ©tez pas, on sâoccupe de tout. » Evidemment, câest lĂ quâil faut commencer Ă sâinquiĂ©ter ! Car on risque de sacrifier sa libertĂ©.
Facebook, câest la batterie dâĂ©levage ! On nous standardise, on fait de nous des animaux qui ont Ă peu prĂšs toujours le mĂȘme type de comportement. Comme dâautres producteurs du rĂ©el â mĂ©dias, cinĂ©ma, Ă©dition -, Facebook contribue Ă standardiser nos caractĂšres et nos Ă©motions en reproduisant des normes et en imposant des modes de communication les plus simplifiĂ©s possible. Le but est de tuer la poĂ©sie et le beau monstre de lâimprĂ©vu. »
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